Province de Battambang, Cambodge, 27 avril 2011.
« Je viens de fêter mes 14 ans. Je m’appelle Samhoeun. J’aurais très bien pu me nommer Vorak, Bopha ou encore Sreypeon. Je ne les connais même pas et pourtant nous avons tous des vies très similaires. Que l’on soit garçon ou fille, nous vivons tous le long de la rivière, coincés entre cours d’eau et poussière.
Nos maisons en bois, montées sur pilotis, sont toutes au bord de la route en terre, où au passage des camions s’élève la poussière. Les couleurs du paysage sont rougeâtre jusqu’aux feuilles des bananiers d’ordinaire si vertes. Les champs et la rivière ont pris cette couleur ocre synonyme de saison sèche. Le mois d’Avril est sur le point de se finir, nous venons de célébrer le nouvel an Khmer : la pluie arrive, c’est pour bientôt…
Les premières gouttes ont déjà fait leur apparition ces derniers jours. Ce matin, une averse a rafraichi l’atmosphère une bonne demi-heure mais sous l’écrasante présence du soleil, le phénomène d’évaporation me gène : il fait encore plus chaud. Aujourd’hui, j’ai déjà pris 3 bains sans compter mes heures de camaraderies dans la rivière avec ma sœur et mes jeunes voisins.
Je souffre de la chaleur et me demande comment mon arrière grand-mère arrive à la supporter avec son vieil âge et ses innombrables problèmes de santé. Elle a maintenant 86 ans et ne peut plus marcher. Très souvent la nuit, elle se réveille. Je l’entends pousser des cris de douleurs. Je crois qu’elle voudrait partir car elle répète toujours qu’elle a perdu ses frères et sœurs et depuis peu son dernier fils, Puthir mon grand père, ses êtres les plus chers. Heureusement, ma mère s’occupe beaucoup d’elle et ça me réconforte un peu.
Mon pays, le Cambodge a eu une histoire difficile et a connu beaucoup de guerres comme nous l’apprenons à l’école. Sous le régime de Pol Pot et des Khmers rouges, il n’y pas si longtemps encore, une trentaine d’année en arrière des millions de personnes sont mortes. Mon arrière grand-mère a perdu deux sœurs, un frère et deux de ses trois fils. Du coup, il y a très peu de personnes âgées dans mon village comme dans tout le pays. Dans mon cahier d’école, je peux lire : « Population du Cambodge en 2010 : 14,7 million d’habitants. 0-14 ans : 32%, 15-64 ans : 64%, plus de 65 ans : 4% » pour être honnête, je ne comprends pas tout ce que cela veut dire mais je me souviens que la maîtresse a insisté pour que l’on reste au près de nos grands parents et parents le plus longtemps. J’ai promis à maman que je le ferai, que je ne la laisserai pas seule même si je sais que papa sera toujours là… »
A l’image de nos pays occidentaux, le Cambodge, pays de « jeunes » vieillit… Le témoignage de ce jeune enfant devient et deviendra de plus en plus fréquent dans un pays où très peu de sécurité et d’assistance est apporté par l’Etat. Pendant trois mois, j’ai posé mon baluchon à Battambang, deuxième ville du Cambodge afin de consacrer la majeure partie de mon temps à comprendre et soutenir du mieux que je pouvais l’action de l’Organisation Non Gouvernementale HelpAge. J’ai suivi les équipes dans les villages qui forment et assistent les bénévoles à ne laisser personne sur le côté de la route, vieux et moins vieux… Leur action prouve que l’heure de la retraite n’a pas encore sonné et qu’il faut continuer.
Pour plus d’information sur l’Organisation vous pouvez visiter les sites internet de HelpAge International ou HelpAge Cambodia.