Le vent s’engouffre dans mon casque et siffle dans mes oreilles, je viens de passer la quatrième. Ces paysages de rizières continuent de défiler à toute vitesse. La moto, qui fait corps avec moi, me transporte aisément sur ces routes et c’est là qu’un sentiment de total liberté m’empare : le nord du Vietnam est à moi.
Les fesses sur la moto, la tête dans les nuages
Depuis quelques jours, avec mes amies Margo et Jenny, nous traversons cette partie enchanteresse du Vietnam. Assis sur ma moto, au milieu de ces paysages sublimes, je songe. J’ai le temps de trop réfléchir…
Les enfants et leurs parents nous saluent chaque fois que nous passons devant leur humble domicile par de chaleureux « hello ». Il semblerait que le temps se soit arrêté dans cette partie du monde car ces gens vivant très simplement sont tellement amicaux. Ces paysans (niah-koué) du Vietnam se contentent de tellement peu. Je me demande alors « pourquoi notre société occidentale est si loin des réalités ? Pourquoi nous rattachons-nous à toutes ces « normes » ? A toutes ces choses superflues ? Commençons d’abord par arrêter d’allumer la télévision… et vivons avec nos amis, nos voisins et nos proches. Communiquons. D’ailleurs, qui connait ses voisins ? Pas besoin, me direz-vous, c’est tous des cons ! En France pour essayer de pallier à cela, la fête des voisins a été créée ! Quelle spontanéité ! Ma foi, une riche idée pour le temps d’une soirée sans lendemain. En quelques sortes, j’ai bien peur que la recherche du bonheur, dans notre société, rime uniquement avec le mot individualisme…
Etre égoïste, synonyme de dévelopement…
J’entends à nouveau des « hello » plein de joie de vivre devant cette petite maison sur pilotis. Un garçon faisant du vélo avec ces deux sœurs cadettes m’invite à boire le thé… Assis face à lui, il est fier de me présenter sa famille, revenant à peine du champ. Nous nous asseyons, buvant le breuvage local, dans cette unique pièce où résonne à tue-tête cette télévision. Nous ne pourrons communiquer mais il était tellement heureux de me faire partager un bref instant de sa vie. Je le remercie par une poignée de main virile. A peine remonté sur mon fidèle destrier que je me remets à penser. Je me demande combien de temps encore pourrons-nous entendre ces bonjours chaleureux ? En regardant de plus près et en rentrant dans ces maisons, souvent dépourvues de sanitaires, il est bizarre de constater qu’à chaque fois une télévision est au centre de la pièce avec les dernières séries du moment. On va me dire, tu sais « Tout le monde à droit au progrès», et bien heureusement d’ailleurs. Mais cette télévision est-elle réellement synonyme de développement ? De quel développement parlons-nous ? Une avancée pour ressembler à qui, à quoi ? C’est bizarre, j’ai un goût amer dans la bouche.
Toujours installé sur ma moto, je sais que je réfléchis beaucoup trop. Encore des questions sans véritable réponse…
Trop longtemps que je suis dans cette position… je dois faire une pause. Je dois arrêter de me torturer l’esprit et profiter du moment que je vis ! Je laisse place à mon seul bonheur d’être là, privilégié de chez les privilégiés. Sois égoïste ! Je suis égoïste.
Je m’apprête donc à me stopper, conforté par les douleurs incessantes qui me parcourent le bas du dos. En plus, j’ai froid, faute à la pluie qui ne s’arrête plus de tomber depuis des heures. Les frissons me parcourent l’échine à cause de cette humidité extérieure, ce ventilateur qui me souffle sur les épaules et ces doigts qui glissent le long de mon dos. Je dormais, je rêvais. Le massage est trop bon. Je ne suis plus au milieu des rizières avec Jenny et Margo mais allongé sur cette table de massage à Nha Trang, dans le sud du Vietnam. La pluie redouble à l’extérieur, le ventilateur s’en donne à cœur joie, comme mon masseur. Je n’ai plus mal au dos et suis l’égoïste le plus heureux au monde.