Albany, Western Australia, 10 Février 2010.

Le soir tombe. Les couleurs d’un nouveau fabuleux coucher de soleil s’annonce. Le ciel pur de l’Australie va encore dévoiler toute sa beauté. Comme à mon habitude, à cette heure-ci, contemplant les beautés de la nature, j’écris mon histoire. Bientôt un mois que je suis dans ce pays immense accompagné de mon amie, Margo. Je doute et me demande pourquoi je suis assis là. Je me penche sur la définition du mot « voyage »… ma propre définition.

Les grandes lignes droites monotones de l’Australie nous emmènent et nous emmèneront probablement vers Sydney, notre dernière étape sur ce pays-continent. Les ennuis mécaniques sont terminés… nous l’espérons. Hier encore, alors que nous croisions trois kangourous plutôt intrigués par notre présence, le pneu arrière gauche de notre van se décomposa littéralement au contact d’un élément tranchant. Rien de grave, hormis quelque nouveaux frais supplémentaires. Ce petit détail de notre future épopée australienne fera à coup sûr sujet de discussion auprès d’un feu de cheminée.

Nous savons tous que les voyages sont parsemés d’embûches et que ce sont ces mésaventures qui se racontent. Ce sont ces petites choses, pas très drôles sur le moment, qui font beaucoup rire ensuite. Par expérience, je sais que chaque « aventurier » s’empresse de narrer ces moments de la sorte : « Moi, à Tataouine, j’ai… ».

Ces petites malchances sont et font le voyage, comme les rencontres, innombrables. Comment se souvenir de tout le monde ? Certains partagent un bout de route avec nous, d’autres nous parlent et nous écoutent ou nous renvoient un simple sourire… De notre aventure des noms resteront, des visages aussi. Malheureusement, je sais qu’avec le temps, sans pour autant les oublier, nous perdrons leurs contacts, bien qu’il fût parfois si fusionnel… Où est Sabine, la jeune allemande que nous avons laissée dans les champs entre les mains de Ricky il ya quelques semaines ? Je m’inquièterais même… elle était si douce, si humaine et peut-être trop candide… Nous ne sommes même pas sûrs de la revoir… jamais !

Ces quelques lignes me font peur : que laisse-t-on ? Aucune trace de notre passage, tout est tellement volatile… certains se souviendront peut-être de notre prénom, comme nous, nous essayerons de nous souvenir du leur auprès de la cheminée… Le voyage est un plaisir solitaire. Aucun partage, chacun essaie d’en tirer son propre profit pour son bien-être. En suis-je là ? Quel voyageur suis-je ? Pourquoi est-ce que je suis sur les routes ? Dans quel but ? Y a-t-il même une issue ? Que répondre ?

Je sais que je ne suis pas juste un contemplateur qui regarde les paysages en s’exclamant « Wahou ! C’est trop beau » comme justement le coucher de soleil apparaissant devant le pare brise sale de notre roulotte. Et c’est le sentiment que me projette l’Australie. Un tourisme de paysages acculturé et trop jeune à l’image de ce pays neuf qu’est l’Amérique… J’ai l’impression de voir un copier-coller de ce que je n’aime pas : la malbouffe, l’ultra-patriotisme sans Histoire, la délation, les grosses voitures, la mondialisation ! Mais tout de même qu’elles sont belles ces couleurs ce soir, je vais prendre mon appareil photo et fixer cet instant, mon moment de doute…

Des craintes et trop de questions… J’arrive même à me demander si je ne suis pas plutôt en train de me payer le luxe d’être… blasé du voyage. Est-ce possible ? Non, sûrement pas ! Je ne suis pas encore l’homme qui ne se rend plus compte de la chance qu’il a de bourlinguer, de s’enrichir et de partager. Je ne suis pas le vieux blanc alcoolique, qui se paye tout ce qu’il se peut, sans se poser la question de combien ça va coûter à son portefeuille et à sa vie… Je suis tout simplement déçu de l’Australie, tellement tournée vers ce modèle américain. Je ne suis pas à la recherche de ce courant unique mais d’expériences nouvelles et de découvertes, l’essence même du voyage.

Je veux découvrir de nouvelles saveurs, senteurs, de nouvelles musiques. Je souhaite toucher des nouveaux aliments, croiser des nouveaux visages, me perdre un peu et le partager avec vous. Je veux vivre des moments indicibles…

Et je ne veux pas me retrouver au fond de ce fast-food d’Albany à manger un MacBidule en écoutant MacDonna et en surfant sur le MacInternet ! Et pourtant, je suis là comme tout le monde assis à la droite de Ronald.

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